Riddick Bowe est l’un des boxeurs poids lourds les plus talentueux mais aussi les plus controversés de sa génération. Champion du monde incontesté dans les années 1990, son parcours est marqué par des hauts spectaculaires et des bas vertigineux. Cet article retrace en détail la carrière et la vie tumultueuse de ce boxeur hors du commun.
Les débuts prometteurs de Riddick Bowe
Une enfance difficile à Brooklyn
Né le 10 août 1967 à Brooklyn, New York, Riddick Lamont Bowe grandit dans le quartier défavorisé de Brownsville. Il est le douzième des treize enfants de Dorothy Bowe. Son enfance est marquée par la pauvreté et la violence : un de ses frères décède du VIH et sa sœur Brenda est poignardée à mort par un toxicomane lors d’une tentative de vol.
Malgré cet environnement difficile, le jeune Riddick parvient à éviter les ennuis. Il fréquente la même école que Mike Tyson à Brooklyn. C’est dans ce contexte qu’il découvre la boxe, qui deviendra rapidement une échappatoire et une passion.
Une carrière amateur couronnée de succès
Bowe s’illustre rapidement dans les rangs amateurs. Ses principaux faits d’armes sont :
- Vainqueur des Golden Gloves à New York 4 années consécutives (1985-1988)
- Champion du monde junior des lourds-légers en 1985 à Bucarest
- Médaillé de bronze aux Jeux Panaméricains de 1987 à Indianapolis
- Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de 1988 à Séoul
Sa défaite en finale olympique face au Britannique Lennox Lewis sera très controversée. L’arbitre arrête le combat, reprochant à Bowe sa passivité. Cette décision contestée marquera le début d’une rivalité entre les deux boxeurs.
Son palmarès amateur impressionnant se solde par 104 victoires pour 18 défaites.
Le passage chez les professionnels
Fort de ses succès amateurs, Riddick Bowe passe professionnel en 1989 à l’âge de 21 ans. Il est pris sous l’aile du légendaire entraîneur Eddie Futch, qui a notamment entraîné Joe Frazier et Larry Holmes.
Futch déclare à propos de son nouveau protégé : “J’ai tout de suite vu en lui un boxeur de très grand talent. Il avait les qualités physiques et techniques pour devenir champion du monde.”
Sous la houlette de Futch et de son manager Rock Newman, Bowe enchaîne les victoires. Il combat régulièrement à Atlantic City, notamment au Trump Plaza Hotel. En 18 mois, il remporte 18 combats dont 16 avant la limite. Son style spectaculaire et ses KO impressionnants lui valent le surnom de “Big Daddy”.
L’ascension vers les sommets (1990-1992)
Les premiers tests face à des adversaires renommés
À partir de 1990, Bowe commence à affronter des boxeurs plus réputés :
- 7 septembre 1990 : Victoire par abandon au 8e round contre l’ancien champion du monde Pinklon Thomas
- Octobre 1990 : KO au 2e round de Bert Cooper
- 2 mars 1991 : Arrêt de l’arbitre au 8e round contre le médaillé d’or olympique Tyrell Biggs
- 20 avril 1991 : Victoire aux points controversée contre l’ex-champion Tony Tubbs
- 9 août 1991 : KO au 1er round du futur champion Bruce Seldon
Ces victoires propulsent Bowe dans le top 5 mondial. Sa puissance de frappe et son jab dévastateur impressionnent les observateurs. Néanmoins, certains doutent encore de sa capacité à tenir la distance face aux meilleurs.
Les combats contre Elijah Tillery
En 1991, Bowe affronte à deux reprises Elijah Tillery. Le premier combat, le 29 octobre, restera dans les annales pour son issue rocambolesque :
À la fin du 1er round, Tillery donne des coups de pied à Bowe. Ce dernier réplique en le poussant hors du ring. S’ensuit une bagarre générale impliquant les entraîneurs. Tillery est finalement disqualifié.
Le combat revanche a lieu le 13 décembre. Cette fois, Bowe domine nettement et remporte la victoire par arrêt de l’arbitre au 4e round.
Le combat éliminatoire contre Pierre Coetzer
Le 18 juillet 1992, Bowe affronte le Sud-Africain Pierre Coetzer dans un combat éliminatoire pour le titre mondial. Pour la première fois, il montre des signes de nonchalance à l’entraînement, pesant 111 kg sur la balance.
Malgré ce surpoids, Bowe domine le combat. Le visage tuméfié de Coetzer témoigne de la violence des échanges. L’arbitre arrête le combat à la fin du 7e round. Bowe remporte ainsi sa 31e victoire consécutive, dont 28 avant la limite.
Cette victoire ouvre à Bowe les portes d’un combat pour le titre mondial contre le champion en titre Evander Holyfield.
Le sommet de la gloire : champion du monde incontesté
Le combat du siècle contre Evander Holyfield
Le 13 novembre 1992, Riddick Bowe affronte Evander Holyfield au Caesar’s Palace de Las Vegas pour les titres WBA, WBC et IBF des poids lourds. Ce choc entre deux boxeurs invaincus attire l’attention du monde entier.
| Boxeur | Âge | Taille | Poids | Palmarès |
|---|---|---|---|---|
| Riddick Bowe | 25 ans | 1,96 m | 106 kg | 31-0 (27 KO) |
| Evander Holyfield | 30 ans | 1,89 m | 93 kg | 28-0 (22 KO) |
Le combat tient toutes ses promesses. Bowe, plus grand et plus lourd, impose ses longs directs et ses uppercuts. Holyfield réplique avec courage et détermination. Le 10e round est considéré comme l’un des plus intenses de l’histoire des poids lourds.
Le commentateur Jim Lampley s’exclame : “C’est l’un des meilleurs rounds dans l’histoire des poids lourds. Point final !”
Au 11e round, Bowe envoie Holyfield au tapis sur un uppercut. Bien que sonné, ce dernier se relève et termine le combat debout. Après 12 rounds d’une intensité rare, Bowe est déclaré vainqueur à l’unanimité des juges.
À 25 ans, Riddick Bowe devient champion du monde incontesté des poids lourds. Il rejoint ainsi le cercle très fermé des champions ayant unifié les trois ceintures majeures (WBA, WBC, IBF).
La controverse avec Lennox Lewis
Quelques semaines avant le combat Bowe-Holyfield, Lennox Lewis avait mis KO Donovan “Razor” Ruddock, devenant ainsi le challenger officiel n°1 de la WBC. Un combat Bowe-Lewis semblait inévitable.
Cependant, les négociations achoppent rapidement. Le manager de Bowe, Rock Newman, propose un partage de la bourse 90-10 en faveur de son protégé. Lewis refuse catégoriquement cette offre jugée insultante.
En réaction, Bowe organise une conférence de presse durant laquelle il jette sa ceinture WBC dans une poubelle. Ce geste spectaculaire vise à protester contre les actions du président de la WBC, José Sulaiman, concernant le partage des bourses.
Cette décision controversée prive les fans d’un combat très attendu entre les deux meilleurs poids lourds du moment. Elle entache également la réputation de Bowe, accusé par certains d’éviter Lewis par peur de perdre.
Les premières défenses de titre
Après avoir abandonné le titre WBC, Bowe conserve les ceintures WBA et IBF. Il effectue deux défenses de ses titres en 1993 :
- 6 février 1993 : KO au 1er round contre l’ancien champion Michael Dokes au Madison Square Garden
- 22 mai 1993 : KO au 2e round face à Jesse Ferguson au RFK Stadium de Washington
Ces victoires expéditives confortent le statut de Bowe comme le meilleur poids lourd du moment. Néanmoins, le choix d’adversaires vieillissants ou peu cotés suscite des critiques. Le public réclame une revanche contre Holyfield.
La perte du titre et le déclin
La revanche contre Holyfield
Le 6 novembre 1993, Bowe retrouve Holyfield au Caesar’s Palace pour un combat revanche très attendu. Cette fois, c’est Bowe qui part favori.
Cependant, le champion arrive mal préparé. Il pèse 246 livres (111 kg) sur la balance, soit 11 livres de plus que lors du premier combat. Holyfield, lui, a gagné en muscle et adopte une tactique différente, misant sur sa rapidité.
Le combat est marqué par un incident insolite au 7e round : un parachutiste atterrit sur les cordes du ring, provoquant une interruption de 21 minutes. Cet épisode surnommé “Fan Man” restera dans l’histoire de la boxe.
À la reprise, Holyfield prend l’ascendant. Après 12 rounds serrés, il est déclaré vainqueur par décision majoritaire. Bowe subit ainsi la première défaite de sa carrière et perd ses titres mondiaux.
Le come-back et la conquête du titre WBO
Après cette défaite, Bowe effectue plusieurs combats de rentrée :
- Août 1994 : Combat sans décision contre Buster Mathis Jr. (arrêté après un coup illégal de Bowe)
- Décembre 1994 : Victoire aux points contre Larry Donald
Le 11 mars 1995, Bowe affronte l’invaincu Herbie Hide pour le titre WBO des poids lourds. Il domine le combat et remporte la victoire par KO au 6e round, devenant ainsi champion WBO.
Le 17 juin 1995, il défend son titre contre Jorge Luis Gonzalez, un ancien rival amateur cubain. Bowe l’emporte par KO technique au 6e round.
La trilogie Bowe-Holyfield
Le 4 novembre 1995, Bowe et Holyfield s’affrontent pour la troisième fois au Caesar’s Palace. Bien que le titre WBO ne soit pas en jeu, ce combat est considéré comme le véritable championnat du monde des poids lourds.
Le combat est une nouvelle fois acharné. Au 6e round, Holyfield envoie Bowe au tapis pour la première fois de sa carrière. Cependant, Bowe se relève et prend progressivement l’ascendant.
Au 8e round, Bowe place une courte droite au menton qui fait chuter Holyfield. Ce dernier se relève difficilement mais n’est plus en état de continuer. L’arbitre arrête le combat.
Bowe devient ainsi le premier boxeur à avoir stoppé Evander Holyfield. Il remporte la trilogie par 2 victoires à 1.
La fin de carrière chaotique
Les combats controversés contre Andrew Golota
En 1996, Bowe affronte à deux reprises le Polonais Andrew Golota. Ces combats resteront dans les annales pour leurs issues controversées.
Premier combat (11 juillet 1996)
Bowe arrive en surpoids (252 livres, soit 114 kg) et semble en difficulté face à Golota. Au 7e round, alors qu’il est mené aux points, Golota est disqualifié pour coups bas répétés.
S’ensuit une bagarre générale sur le ring et dans la salle. Le promoteur de Golota, Lou Duva, est victime d’un malaise cardiaque dans la confusion.
Deuxième combat (14 décembre 1996)
La revanche est tout aussi chaotique. Bowe est à nouveau malmené et envoyé au tapis à plusieurs reprises. Au 9e round, Golota est une nouvelle fois disqualifié pour coups bas.
Ces deux victoires par disqualification laissent un goût amer. Bowe apparaît clairement sur le déclin physique et technique.
