Aimer la boxe, c’est entretenir une relation d’amour et de haine avec elle, telles sont les règles du jeu. Ce sport, à la fois violent, inspirant, injuste, magnifique, exaspérant et exaltant, ne cesse de surprendre par son imprévisibilité. La soirée de samedi dernier, avec son lot d’événements télévisés et en streaming, a parfaitement illustré ces multiples facettes, déployant le meilleur et le pire de la boxe, ainsi que ses aspects les plus étranges.
Dans l’un des combats principaux, nous avons assisté à ce qui pourrait être désigné comme le combat de l’année, tandis que l’autre a été annulé sans préavis. Une star de Disney Channel, devenue l’une des attractions les plus lucratives de la boxe, a enregistré son deuxième KO consécutif contre un boxeur professionnel. De plus, une star de 17 ans de HBO a fait match nul, et nous avons vu un match sans décision à cause de multiples coups de tête entraînant des coupures, ainsi qu’un énorme hématome causé par un pouce dans l’œil par accident. Et ce n’est pas tout : le candidat au combat de l’année a vu un boxeur, ayant besoin d’un KO pour gagner au 12e round, réaliser cet exploit à seulement sept secondes de la fin contre un adversaire qui a peut-être combattu les dix derniers rounds avec un ACL déchiré.
Dans ce contexte, l’annonce du 40,000e point de LeBron James a certes capté l’attention des médias, mais pâlit en comparaison avec ce que la boxe a offert ce soir-là, ou plutôt, dans le cas du retour tant attendu d’Amanda Serrano à Porto Rico, ce qu’elle n’a pas pu fournir. Environ 18,000 fans s’étaient rassemblés au Coliseo Jose Miguel Agrelot à San Juan pour soutenir Serrano dans son premier combat sur son île natale depuis trois ans. Elle devait affronter Nina Meinke dans un combat de 12 rounds qui s’annonçait comme une formalité pour la championne, mais qui aurait au moins eu le mérite de se tenir. Pourtant, l’événement co-principal, opposant Jake Paul à Ryan Bourland, s’est terminé, et tout semblait prêt pour Serrano-Meinke lorsque soudain, la nouvelle est tombée : Serrano avait un problème oculaire. Le combat n’allait pas avoir lieu.
Cet épisode aurait pu et aurait dû être tranché et annoncé bien plus tôt, peut-être même la veille. A la place, Serrano s’est retrouvée contrainte d’annoncer elle-même la mauvaise nouvelle, lunettes de soleil sur le nez et capuchon sur la tête, à l’heure précise où elle aurait dû monter sur le ring. Entre les huées et les larmes, elle s’est efforcée d’expliquer, ne pouvant offrir sur le moment qu’une explication sommaire impliquant sa coiffure d’il y a quelques jours.
Face à ce qui s’annonçait comme un désastre de relations publiques, Most Valuable Promotions a promptement promis un remboursement complet à tous les détenteurs de billets qui en feraient la demande, et a assuré à Meinke qu’elle recevrait la totalité de son cachet. Disposer d’une telle flexibilité financière (la fortune de Paul est estimée à environ 80 millions de dollars) permet d’atténuer le coup. Mais quelle situation déplorable pour Serrano. Et quel échec dans la prise de décision, tout espoir reposant sur une éventuelle autorisation médicale.
L’incident illustre parfaitement combien la boxe, dans toute sa splendeur et ses imperfections, reste incapable de détourner le regard de ses vrais amateurs, même face aux rebondissements les plus fous. Leader aux points, Javon “Wanna” Walton a vu son combat se solder par un match nul, tandis que Jake Paul s’adjugeait une énième victoire, confirmant sa capacité à trouver des adversaires à son avantage. Brian Norman Jr et Janelson Figueroa Bocachica ont dû se contenter d’un match sans décision après une succession de coups hasardeux.
Mais le clou de la soirée fut sans conteste le combat spectaculaire entre Raymond Ford et Otabek Kholmatov pour un titre vacant chez les plumes. Un affrontement qui demandait à être vu, mixant action trépidante et intrigue dramatique, illustrant ainsi à la perfection la capacité de la boxe à transcender les simples échanges de coups pour devenir un véritable opéra sportif.
Après un quart de siècle à couvrir les aléas de ce sport, je reste toujours ébahi par sa capacité à surprendre, à émouvoir et à élever son art à des niveaux jamais auparavant envisagés. Voilà la boxe, une discipline qui ne cesse de nous prouver qu’elle détient encore et toujours cette magique capacité à réinventer l’incroyable.