Dans le monde de la boxe, chaque commentaire peut marquer les esprits, mais peu peuvent se vanter d’atteindre des sommets tels que ceux ressenti par Lampley. Pour lui, la plus grande phrase de commentaire sur la boxe qu’il ait jamais entendue ne vient pas d’un critique affûté. Au contraire, elle est prononcée par une icône inattendue : Mick Jagger.
Lampley se remémore ce moment historique en 1980, lors d’un événement au sein des locaux de l’ABC à New York, où il assiste au combat emblématique entre Muhammad Ali et Larry Holmes. « Étant un bon critique du sport, je savais que ce combat serait un long et brutal calvaire », explique Lampley. Au cours de la huitième ou neuvième round, alors qu’il observe l’écran veule, une petite poussée dans ses côtes attire son attention. À sa droite se dresse Mick Jagger, qu’il avait rencontré aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976. Jagger lui pose la question existentielle : « Lamps, sais-tu ce que nous regardons ici ? » Lampley, un brin désorienté, répond : « Non, Mick, qu’est-ce que nous regardons ? » Et Jagger lâche cette phrase dévastatrice : « C’est la fin de notre jeunesse. » Pour Lampley, rien de plus profond n’a jamais été dit sur le sport.
Il poursuit en insistant sur le fait que de nombreux boxeurs, qu’on a suivis et admirés, finissent par s’accrocher trop longtemps et souffrent aux mains d’adversaires qui, autrefois, ne leur auraient pas causé de soucis. Avec son impressionnant palmarès de 65 combats professionnels et l’absence de KO en près de trois ans, Canelo Alvarez semble être à un tournant de sa carrière. « Un jour, cela pourrait arriver à Canelo, peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais bientôt », avertit-il.
Lampley évoque aussi la déroute d’Oscar De La Hoya face à Manny Pacquiao, alors qu’on croyait fermement qu’Oscar était trop fort pour que cela se produise. « À la fin de la journée, il est monté sur le ring, et il n’avait rien », se souvient-il.
Dans cette perspective, quand Canelo rangera définitivement ses gants, comment le classerons-nous ? Lors d’une récente cérémonie au Hall of Fame de la boxe, Lampley a eu l’occasion de discuter avec Marco Antonio Barrera et Erik Morales. Ces figures légendaires ont convenu que Canelo a des arguments solides pour être considéré comme le plus grand boxeur mexicain de tous les temps, dépassant même des légendes comme Salvador Sanchez ou Ruben Olivares.
Mais une question taraude l’esprit de Lampley : quel en sera l’aboutissement ? Peut-être que ce moment arrivera lors du combat contre Berlanga au T-Mobile Arena à Las Vegas. « À mon avis, la seule façon pour Berlanga de gagner serait que Canelo vieillisse du jour au lendemain, mais je ne pense pas que cela se produira », déclare-t-il, soulignant la capacité de Canelo à garder le contrôle sur sa carrière. Il pourrait être l’un des rares combattants à terminer en beauté, comme l’a fait Lennox Lewis avant lui.
Cependant, la crainte de nombreux critiques est que Canelo ait choisi de se contenter d’une postérité tout en évitant des combats à risque. Cela nourrit les rumeurs d’un boxeur qui, satisfait et conscient de son héritage, préfère affronter des adversaires moins menaçants pendant que d’autres comme David Benavidez cherchent des opportunités ailleurs. Ce dédain face aux critiques n’est pas sans conséquence : « Je ne pense pas qu’il accorde beaucoup d’importance à ce que l’on dit de lui », explique Lampley.
Canelo, selon Lampley, est un homme profondément conscient de ses capacités, s’étant convaincu dès son jeune âge que ses succès ou échecs ne dépendent que de lui. Cette philosophie pourrait bien le sauver des erreurs courantes dans sa discipline et, lorsque la fin viendra, il sera le seul responsable de son destin. « Il préfère être ainsi et apprécie cette responsabilité », conclut Lampley.